De nos jours, l’approche dogmatique semble prévaloir sur toute réflexion, hypothèse, expérimentation et imposer une vérité.
Cependant, l’empirisme, reste l’approche première de l’homme dans son désir de compréhension de lui-même et du monde qui l’entoure.
L’empirisme désigne la connaissance ou les sources de la connaissance acquises au moyen des cinq sens de l’homme en particulier par l’observation et l’expérimentation.
Le terme Empirisme vient du mot grec ancien « expérience : ἐμπειρία = empeiria »
A travers les quelques exemples suivants notre propos sera de réhabiliter la démarche empirique, ensuite de lui accorder la prévalence dans la constatation, la compréhension, l’application factuelle d’un phénomène ou d’une solution et ce, sans les approbations ou explications formelles dites scientifiques.

 l/ Observation, hypothèse, expérimentation

Pressentant que la terre tourne autour du soleil (héliocentrisme), en 1533 N.Copernic consigne ses calculs mathématiques prédictifs dans son « De Revolutionis Orbium Coelestum ».

Kepler vérifie l’exactitude des travaux de Copernic, confirme l’héliocentrisme et avec ses propres calculs mathématiques pressent les trajectoires elliptiques des planètes autour du soleil.

Galilée en 1610 confirme à son tour les travaux de ses deux confrères en utilisant un moyen technologique révolutionnaire : la lunette astronomique.

Ces trois astronomes par leurs découvertes non seulement enrichirent la connaissance de l’univers mais ébranlèrent le pouvoir de l’Eglise catholique en pulvérisant le dogme du géocentrisme (la terre centre de l’univers).

En 1847 I. Semmelweis obstétricien hongrois démontre que la mortalité due à la fièvre puerpérale chez les femmes accouchées par les médecins ou étudiants en médecine est divisée par dix par le seul lavage des mains. Vingt ans plus tard Pasteur corrobore les soupçons de Semmelweis quant à un agent infectant transmis par les accoucheurs : le rôle des bactéries venait d’être mis en évidence grâce au microscope.

Au 20ème siècle, en 1928 la pénicilline est une découverte accidentelle due à A. Fleming. Celui-ci médecin et chercheur en biologie accorde dans ses écrits une part essentielle au hasard qu’il transforme par l’observation et l’expérimentation en une application thérapeutique qui bouleverse le domaine de l’infectiologie. La classe des antibiotiques est née.

2/ La preuve scientifique et la réalité

Une preuve est dite scientifique quand elle sert à confirmer ou infirmer une théorie ou une hypothèse. Elle se doit néanmoins d’être empirique au départ, c’est à dire basée sur l’observation et l’expérimentation en respectant la réalité ou les faits sans en donner une interprétation dite scientifique garantie de toute extrapolation. Elle s’appuie sur la modélisation et la reproductibilité du phénomène observé et analysé.

La science doit s’octroyer et se servir des moyens technologiques en vigueur dont elle est tributaire pour étayer ses travaux en sachant que la technologie est elle-même susceptible d’évolution et que sa réalité à un instant donné n’est qu’une dérivée de l’espace-temps.

De plus elle n’a en rien le droit d’invalider des faits ou des observations eu égard à l’insuffisance de son degré de développement.

« L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence » : (M.Jouvet, neurobiologiste)

3/ Argumentation :

La lunette astronomique de Galilée a confirmé les théories de Copernic qui pressentaient l’héliocentrisme.

La mise au point de télescopes terrestres de plus en plus puissants, de télescopes spatiaux suggérés par l’astrophysicien L.Spitzer en 1948 ont permis de confirmer l’existence de galaxies, de nébuleuses là encore annoncée par des calculs réalisés à l’aide d’ordinateurs.

En biologie moléculaire comme en chimie, le rôle des instruments de verrerie a permis en laboratoire la compréhension, la structuration spatiale des molécules les plus complexes. Cela nous signe le rapport intime et obligé entre contenant et contenu, l’instrumentation intervenant dans la finalisation de la preuve.

La pénicilline produite industriellement à partir de 1942 sauve des millions de malades (notamment les blessés de la seconde guerre mondiale) sur la simple observation d’une boite de Pétri, avant que sa structure chimique ne soit définitivement établie en 1945 par l’invention de la cristallographie par rayons X ; l’unique preuve scientifique était fort simple, évidente et la seule expérimentation d’abord sur des souris ensuite sur des humains a révélé son extraordinaire efficacité sans le recours à la technique du double-aveugle préconisée de nos jours.

Nous terminerons par l’histoire de l’aspirine (acide acétylsalicylique synthétisée en 1853) célèbre par ses vertus analgésiques et antipyrétiques et dont l’emploi fût parfaitement empirique au départ. Son brevet fût enregistré en 1899 et ce n’est qu’en 1971 que John Vane expliqua son mécanisme d’action sur la Prostacycline élargissant son action pharmacologique à l’inhibition de l’agrégation plaquettaire.

L’aspirine précéda la science qui ne vint que très tardivement expliquer son mécanisme d’action.

4/ Discussion

Aujourd’hui, la Science se caractérise par son processus particulier de la recherche d’une « Vérité » certaine. La tentation de vérité absolue édictée par certains, est aussi sa faiblesse.

Or la médecine étudie le vivant, matière par définition changeante, protéiforme, impliquant aux lois naturelles une propension aléatoire d’où une dimension conjecturelle tenant compte d’un coefficient d’incertitude.

La science ne peut s’ériger en Vérité, elle est soumise à la conjecture.

Dans le domaine médical, seule la médecine fondée sur les faits (Evidence-Based-Medicine -EBM) a aujourd’hui droit de cité et considère qu’en dehors de sa méthodologie, rien n’a valeur de preuve.

Le paradigme de l’EBM, basé sur l’approche factuelle, s’appuie sur des modèles statistiques où la maladie n’est plus envisagée du point de vue de l’individu mais du point de vue du groupe ou population d’individus.

L’EBM, basée sur une logique aristotélicienne, réalise une médecine fondée sur les « données probantes » souvent conceptuelles plutôt que contextuelles. Or, la maladie se réfère souvent à une logique paradoxale impliquant des données contextuelles ; à savoir les arguments émotionnels, socioculturels, socio-professionnels, familiaux, socio-économiques, environnementaux.

Dans les années 1968, les médecins D. Pinkel, oncologue pédiatre américain et E.D.Thomas, immunologue, instigateur de l’allo-greffe, prix Nobel de médecine 1990, ont changé radicalement le devenir tragique des leucémies (leucémie lymphoblastique aigue) en les guérissant à 50% sans utiliser les essais contrôlés randomisés (ECR).

Aujourd’hui l’évaluation de l’efficacité d’un médicament est soumise inexorablement à la preuve intangible du « double aveugle » c’est à dire par la randomisation de toute molécule vis à vis de deux lots de patients testés et numérotés sans prise en compte des particularités de chaque individu.

Or pour une même pathologie, la médecine homéopathique tire sa spécificité de l’individualisation de tout médicament pour chaque patient avec ses particularités d’expression clinique. Ainsi la méthode du « double-aveugle » invalide de façon rédhibitoire et définitive toute possibilité de preuve d’efficacité du médicament homéopathique.

S’il est difficile actuellement pour l’homéopathie d’apporter des preuves dites « scientifiques » de son efficacité (notamment dans ses mécanismes d’action), ses adversaires sont dans l’incapacité de fournir la preuve de son inefficacité sauf en invoquant avec mauvaise foi l’effet « placebo » ou la non-réponse du double aveugle.

Or les résultats thérapeutiques observés, constatés et répertoriés chez l’homme sont des faits indéniables et vérifiables qui ont aussi valeur de preuve et pourraient, si l’on en avait le désir, être avalisés par l’organisme de santé publique (la Sécurité sociale) celle-ci sachant analyser de façon pertinente les gains de santé des assurés et leurs coûts.

A contrario les autorités de santé en Suisse ont commandité à P.Matthiessen et G.Bornhöft (1) un rapport sur l’efficacité de l’homéopathie et ont conclu à la légitimité de cette thérapeutique et à son apport indéniable au système de santé.

De même, l’efficacité de l’homéopathie en médecine vétérinaire, de plus en plus utilisée et objet d’études publiées, ne peut être expliquée par l’effet placebo !

Bien que les médicaments homéopathiques aient fait l’objet d’une expérimentation basée sur la modélisation systémique de substances pharmacologiquement actives, cette thérapeutique est soumise à de violentes attaques mettant en cause son efficacité, les fondements mêmes de sa conception.

L’ostracisme à l’égard de la médecine homéopathique est finalisé par son déremboursement ce qui revient à la négation totale de sa réalité.

A un moment où la thérapeutique s’oriente vers la « médecine personnalisée », dans laquelle la recherche vise par exemple à établir un traitement anti-cancéreux ciblé (apport de la génétique) ou créer un vaccin spécifique pour chaque patient en fonction d’indicateurs personnalisés, il n’est pas acceptable que cette approche soit refusée à l’homéopathie.

Si la validation de l’approche personnalisée est soumise à la vérification par le « double-aveugle », il est urgent de la réfuter également car ce serait d’emblée la négation de ces thérapeutiques prometteuses. Elles subiraient, pourquoi pas, le même sort que l’homéopathie à savoir un non-remboursement.

à Aix en Provence, le 23 Novembre 2020,

Ce texte a été conçu et écrit par le Docteur Henri CARRÉE,
avec la collaboration et le soutien des membres du comité scientifique du DESU de thérapeutique homéopathique d’AMU :

Pr Y. Frances, Pr B. Granel, Drs G. Rougier, B. Poitevin, MC. Vergnet.
et du Dr Geneviève Ziegel neuropsychiatre et de Claire Laurant docteur en Anthropologie.
(1)Bornhöft G, Matthiessen PF, editors. Homeopathy in Healthcare.
Effectiveness, Appropriateness, Safety, Costs. Springer; 2011.