Je vous rappelle que la base juridique de ce harcèlement itératif sur les MG (Médecins Généralistes) est l’art L162-1-15 du code de la sécurité sociale introduit par la funeste loi de santé 2004-810 du 13 août 2004 votée par la droite (Président Jacques CHIRAC, Premier Ministre Jean-Pierre RAFFARIN, Ministre de la Santé Philippe DOUSTE-BLAZY, Secrétaire d’État à l’assurance maladie Xavier BERTRAND), et qui a donné des pouvoirs exorbitants aux directeurs de CPAM.
Cet article a été complété par les textes réglementaires R148-1 à R.148-9 introduisant la MSO qui n’existait pas en 2004.

Alors que les MG (Médecins Généralistes) placés arbitrairement sous MSAP en 2024 (par exemple dans l’Isère alors que la CPF [Commission des Pénalités Financières] composée de 10 membres s’était opposée à cette mesure maintenue par la seule direction de la CPAM) et qui ont contesté la MSAP n’ont pas encore vu leur dossier examiné par la justice (Tribunaux Administratifs), la CNAM débute une nouvelle campagne nationale.

« Salauds de généralistes » rendus responsables d’une situation relevant de nombreux autres acteurs:

  • les employeurs dont les entreprises « toxiques » ou laxistes en matière de prévention ont un absentéisme important: pas de MSO/MSAP pour elles
  • le service médical paralysé par une démographie en berne est contraint à décider sur dossier voire au travers d’une infirmière,
  • la médecine du travail
  • la démographie du 2è recours et ses accès tardifs, 
  • les gouvernements responsables de la situation économique !


La palme de la rapidité aux mesures de la CNAM revenant à la CPAM 13 s’illustrant régulièrement pour ces procédures. C’est en effet un médecin de ce département qui nous a signalé le premier la nouvelle campagne de MSO ! Mais faisons un petit retour en arrière:


BILAN de la dernière CAMPAGNE MSO/MSAP (IJ) 2023-2024 (source CNAM) :

  • 1 000 médecins ciblés,
  • Appels individuels des médecins ciblés par les CPAM pour information, puis courrier proposant la MSO comme une « aide
  • 255 procédures abandonnées sur 1000, donc 745 médecins concernés effectivement par les MSO,
  • 416 MSO pour 6 mois du 01/09/2023 au 29/02/2024, 310 ont atteint l’objectif donc 106 ont été traduits devant les CPF (Commissions des Pénalités Financières) pour être sanctionnés.
  • 294 médecins ayant refusé la MSO ont été concernés par une MSAP (en fait 745-416 cela fait 329), donc 35 dossiers se sont évaporés ?
  • 93 procédures de MSAP ont été abandonnées après avis consultatif des CPF.
  • 201 médecins placés sous MSAP pour une durée de 3 à 6 mois.


La CNAM annonce des résultats en baisse des IJ entre 29 et 36%, mais cela reste un leurre étant donné qu’elle est à nouveau obligée de revenir sur la problématique en 2025 (c’est constamment le cas depuis 10 ans) ce qui devrait interroger sur l’origine de cet emballement des IJ qui est manifestement pluri factoriel ?


LA CAMPAGNE actuelle 2025-2026 :

Elle va se dérouler, comme d’habitude en plusieurs phases :

  1. Appel téléphonique d’un administratif de la CPAM (l’un d’eux s’est présenté comme « économiste de la santé sur celle du Rhône » !) au médecin généraliste, annonçant la MSO pour 6 mois. Notez qu’il ne s’agit même pas d’un confrère du service médical. Mais je rappelle ici qu’il ne s’agit que d’une procédure administrative et statistique (la FMF l’a surnommée le « délit statistique »)
  2. Seuls sont retenus les MG ayant fait l’objet d’un accompagnement par un DAM (Délégué de l’Assurance Maladie) ou un praticien Conseil au cours des 2 années précédentes ou d’une précédente MSO/MSAP. À l’exclusion des MG de plus de 75 ans et ceux ayant fait l’objet d’une usurpation d’identité d’où l’intérêt de signaler à la CPAM les faux certificats d’arrêt de travail.
  3. Pour la comparaison des médecins, sera pris en compte:
  • Le lieu d’exercice retenu ne sera plus les communes identiques de la région mais le code IRIS INSEE du lieu d’exercice (IRIS, acronyme pour : Îlots Regroupés pour l’Information Statistique, sont les plus petites unités spatiales statistiques, inférieures à l’échelon communal. Les communes d’au moins 10 000 habitants et la plupart des communes de 5 000 habitants sont découpées en IRIS).
  • L’indice de défavorisation calculé au niveau du code IRIS
  • La démographie médicale (selon le zonage ARS)


Pour cette nouvelle campagne, les médecins « comparables » sont ceux exerçant, dans une même région, au sein de territoires de communes de même contexte socio-économique et pour des communes offrant une accessibilité aux soins proche.


LA COMPARAISON ET LA STANDARDISATION DES DONNÉES :


Engagement pris en février 2025 de revoir la méthode de standardisation utilisée jusqu’à présent, en reprenant la méthode utilisée dans le cadre du dispositif « sobriété » de la nouvelle convention médicale : 

  • Communication au médecin du nombre réel d’IJ (Indemnités Journalières) prescrites par patient actif comparé à un nombre moyen d’IJ par patient actif dit « attendu », correspondant au niveau de prescription d’IJ si le médecin prescrivait de la même façon que les confrères avec qui il est comparé. 
  • Ce nombre d’IJ attendu tient compte des caractéristiques de la patientèle du MG concerné selon les 4 critères (âge, sexe, présence ALD (Affection Longue Durée) hors cancer ou non + ajout d’un nouveau critère C2S [Complémentaire Santé Solidaire, ex CMU]) et des prescriptions moyennes observées pour les médecins « comparables » selon ces mêmes caractéristiques. Voir ici la prise en compte des arguments de la Fédération des Médecins De France AuRA (Auvergne Rhône-Alpes) issus d’une étude statistique menée avec l’URPS (Union Régionale des Professionnels de Santé) AuRA. 
  • Un profil personnalisé de prescriptions d’arrêts de travail est joint au courrier de lancement de la procédure.


SUR L’OBJECTIF DE MSO :

Engagement pris en février 2025 de simplifier l’objectif MSO : ne plus l’exprimer en réduction de l’écart-type par rapport à la moyenne, mais en taux d’évolution par rapport à la période de référence.

Afin de prendre en compte la campagne d’échanges confraternels de 2024 (6000 MG rencontrés), les MG seront sélectionnés en 2 vagues:

  • En juin 2025 pour 500 médecins ayant eu un échange avec un DAM ou un PC (Praticien Conseil) en 2023 ou 2024, ou ayant fait l’objet d’une précédente MSO/MSAP. Une MSO du 01/09/2025 au 28/02/2026 leur sera proposée.

Bien entendu le SMAER conseille de refuser cette MSO pour les raisons exposées plus loin.

  • En octobre 2025 pour 500 médecins ayant eu un échange confraternel entre septembre et décembre 2024.


Les médecins retenus figurent parmi les 10% de médecins qui présentent le nombre moyen d’IJ par patient actif les plus élevés au niveau national.


DÉTAIL DE LA PROCÉDURE :

  • Annonce téléphonique de la MSO par un administratif de la CPAM, pour éviter les drames du passé.
  • LR+AR, le médecin a 1 mois après réception pour faire ses observations écrites ou demander à être entendu (Un délégué peut vous assister lors de cet entretien notamment en visio conférence.
  • LR+AR de notification par le directeur du maintien ou non de la procédure et proposition en lien avec le médecin chef du service médical d’un objectif de réduction (MSO) dans le délai d’un mois à l’issue du délai précédent,
  • Délai de 15 jours de réflexion imparti au PS (Professionnel de Santé) pour acceptation tacite ou explicite ou refus de la MSO. C’est à ce moment qu’il faut refuser la MSO sous 15j par LR+AR.


ATTENTION ne pas répondre équivaut à ACCEPTER LA MSO !
ATTENTION ce courrier risque d’arriver pendant les vacances, ne pas aller le retirer sous 15 j équivaut à réception donc acceptation de la MSO !

  • En cas de MSO, un médecin conseil référent est désigné, il sera l’interlocuteur privilégié du MG pendant toute la procédure de MSO.
  • En cas de refus de la MSO proposée suite au courrier de lancement de la procédure ou suite au courrier de proposition effective de la MSO, la CPAM engagera directement la procédure de MSAP


Avec cette annonce, je ne peux m’empêcher de penser à ce confrère du nord qui, il y a quelques années, en recevant la LR+AR sans appel préalable, a attenté très gravement à sa vie, et à tous mes confrères généralistes ainsi harcelés alors qu’ils sont le dernier rempart de la casse sociale, au bout d’une chaîne qui broie les patients, et où TOUS les intervenants se reposent sur les généralistes

  • Les caisses qui ne contrôlent pas, ne consolident pas, ne placent pas en invalidité
  • Les entreprises qui cumulent les accidents de travail ou pratiquent un management toxique avec un taux de sinistralité important.
  • La médecine du travail qui ne place pas rapidement en inaptitude au poste quand cela s’avère inévitable
  • Les urgences, la chirurgie, parfois la psychiatrie… qui se reposent sur les MG pour des arrêts et prolongations relevant de leur activité !


Les MG travaillent pourtant déjà beaucoup, et les « fossoyeurs »  veulent encore charger la barque: encore plus de PDSA (Permanence Des Soins Ambulatoire), plus de travail, obligations d’aller 2 jours par mois en zones sous-denses, plus de contraintes administratives, perte de la liberté d’installation, préavis de 6 mois pour arrêter son activité… ils se sont donnés le mot les RIST, VALLETOUX, GAROT… et maintenant la CNAM qui dans une attitude schizophrène supplie les MG d’augmenter la file active de patients pris en charge et parallèlement va les harceler pour les prescriptions d’IJ !
Plus de patients c’est plus d’IJ et même la base juridique leur permettant ce harcèlement le reconnait: « … ou d’un nombre de tels arrêts de travail rapporté au nombre de patients.. » A croire qu’ils veulent accélérer la désertion !

Exit des partenariats locaux comme dans le Rhône, qui avaient pourtant montré la preuve de leur efficacité, c’est le règne du bâton ! Partout en France les médecins ciblés vont recevoir courant juin une LR+AR annonçant une proposition de MSO sans entretien préalable (sauf s’ils en font la demande express). L’objectif est de cibler 1000 MG en France, dans chaque département les plus forts prescripteurs sans trop tenir compte des singularités d’exercice ou de patientèle.

Il revient aux MG d’avoir le courage de dire NON !
Avec le SMAER , dites NON à LA MSO !


Et le dire sous un délai de 2 semaines par LR avec AR ! (sans réponse le médecin est censé avoir accepté la MSO)

Accepter la MSO :

  • Ce serait reconnaître une responsabilité, voir une culpabilité,
  • Ce serait se priver de tout recours judiciaire,
  • Ce serait se voir imposer un objectif de diminution souvent inatteignable
  • Ce serait être pénalisé fréquemment au bout : 25%, 106/416 lors de la dernière campagne (source CNAM),
  • Ce serait voir la CPAM revenir année après années pour contraindre le MG de plus en plus : voir ici, cela date de 2014 et montre bien la récurrence de la problématique !
  • Ce serait s’auto-punir et faciliter le travail des CPAM qui craignent par dessus tout d’être contraintes à placer le médecin sous MSAP étant donné que :

Contraindre la CPAM à vous placer sous MSAP au lieu de la MSO :

  • C’est obliger le directeur de la CPAM à vous placer sous MSAP (Article R148-4) avec ses conséquences chronophages sur le service médical,
  • C’est contraindre le service médical à contrôler alors qu’il fonctionne à 35h hebdomadaire quand les MG sont à 55 !
  • C’est exposer les CPAM aux poursuites judiciaires et à dédommager le médecin (le médecin peut contester la MSAP devant le TA; comme les juges refusent les référés la décision au fond intervient après que la période de MSAP ait été effectuée et le médecin à qui la justice donne raison peut réclamer des dommages et intérêts à la CPAM).


Le SMAER pourra comme par le passé accompagner les médecins qui décideront de ne plus subir et de se rebeller sachant que l’analyse de leur activité montre généralement qu’elle n’est pas comparable à la moyenne régionale au sens de l’art L.162-1-15 du code de la sécurité sociale, pour qui elle se résume aux critères sociaux économiques du bassin de soins même si en 2025 les critères IRIS sont plus précis. Il reste très difficile de comparer de façon fiable les prescriptions d’un médecin tant diffèrent les singularités d’exercice et de patientèle que l’on peut facilement observer par exemple dans un cabinet de groupe.


Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP LE 14/06/2025, Assistance Juridique SMAER

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